Île expérimentale

Mélangez sur île de taille raisonnables un peu de glaciers, énormes comme minuscules, une météo très capricieuse, des rivières aux formes variées, torrents dans la roche ou méandres sur les plaines alluviales, des îles fraîchement sorties de l’eau, dépourvues de vie mais destinées à en être remplies, des villes dispersées et de tailles inégales, des ressources halieutiques riches, de la géothermie et des volcans hyperactifs rejetant toute sorte de choses. Agitez un peu avec une dose de mondialisation, de réduction des distances et accroissement des échanges de biens et de populations humaines et animales, un bon paquet de tourisme et un soupçon d’industrie. Enfin, activer le mode “changement climatique” et voilà ! Vous avez une île expérimentale où observer et mesurer des phénomènes complexes dans des conditions de laboratoire pour comprendre le monde de dehors.

Paradis du géomorphologue pour ses glaciers et son volcanisme, du géologue pour ses roches et sédiments, de l’hydrologue bien sûr, sans oublier le biologiste qui étudie la vie colonisant les îles toutes neuves, vierge de vie, sorties de l’eau par volcanisme et les urbanistes même, avec des villes en pleines expansion et faisant face à des certains défis et pour finir l’économiste car l’île pauvre, vivant de pêche, recluse et sous développée y a peu est à présent un centre de production pour l’aluminium, un paradis touristique très lucratif, un lieu attractif pour les expatriés d’Europe, d’Amérique comme d’Asie. Bref une île à présent prospère, chamboulant des siècles d’évolution insulaire et tranquille.

Invités de la nature

Voilà ce que l’on ressent en Islande lorsque l’on vient d’Europe où la nature est sous contrôle, où les humains ont souvent investi chaque hectare, de ce qui était jadis la forêt, en plaçant leurs maisons, leurs cultures, où il est rare d’être loin d’un échangeur routier ou d’une zone commerciale. Ce sentiment européen, cette réalité géographique est pulvérisée en Islande,où les sociétés humaines n’ont pas prospéré au point de grandir en nombre et utiliser l’espace. Alors voilà, en sortant de la capitale Reykjavík qui concentre deux tiers des 366 mille islandais, nous devenons les invités de la nature et jouons selon ses règles, en échange de quoi nous pouvons profiter de son travail, son œuvre dynamique et méticuleuse, où son caractère se déploie dans sa pleine mesure. Un territoire souvent libre de toute intervention humaine, même si l’Islande a été déboisée dans le passé et qu’une chapelle ici et là se dresse fièrement au milieu d’une immensité -verte, blanche ou brune selon la saison- comme pour affirmer une présence humaine, présence purement symbolique toutefois.

Je partage dans ces photos quelques lieux de beauté et de poésie, une poésie grise, rugueuse, venteuse et froide, mais une poésie absolument nécessaire, en espérant revenir plus tard pour explorer davantage cette géographie si unique