En Route vers le troisième pôle
Récit photographique d’un voyage vers la vallée de Hunza, dans le Karakoram depuis Islamabad
Quitter Islamabad, immense ville humblement située au pied de l’encore plus immense Himalaya et pénétrer dans les montagnes verdoyantes, refuges de hauts pins et grands arbres, veillant sur un monde arrosé par une mousson généreuse. L'air chaud et humide de la mousson nous enveloppe de ses bras infinis, saupoudrant une aura de mystère, de poésie et de sensualité sur ce que nous voyons autour de nous, changeant la lumière et les couleurs de la scène. Partout où nous regardons, pentes fertiles grouillantes de vie, avec des silhouettes se promenant dans les jardins ou les bois, vaquant à leurs occupations. La route est absolument encombrée, de camions, de taxis et motos arborant de gigantesques drapeaux pakistanais, en ce 13 août, veille de la fête nationale.
Après le col de Babusar, et ses 4 173 mètres, nous avons alors l'impression d'avoir ouvert une brèche dans un mur, de pénétrer dans un nouveau monde, un nouvel univers richement fourni en tons arides, bruns et ocres, en sommets et versants aux pentes sèches, mais un univers où la végétation est l’exception plutôt que la norme, où seuls de rares arbres formant de petits sanctuaires de vie, réunis autour de chenaux d’irrigation ou lacs rompent la monotonie sèche de cette nature impitoyable, monochrome désolée mais belle.
Le dernier effort, l’ultime défi, voyage dans le voyage : monter encore en altitude, pour parvenir aux géants de glace, eux qui nous amènent de si loin.
Nous empruntons des sentiers de rocailles, de grosses pierres, des chemins tantôt droits et dociles, tantôt escarpés et accidentés, remplis de pierres fourbes n’attendant que de se dérober sous nos pas. Nous traversons des oasis d’Eden miraculeusement luxuriantes, garnies d’arbres fruitiers, de genévriers, de bosquets secs, d’herbes et de fleurs dont la délicate odeur enlève de nos épaules le fardeau et la fatigue qui nous accable. Cette herbe fraîche et verte jure magnifiquement avec les tons et teintes minérales qui s’immiscent dans notre vision, ces nuances brunes et arides qui ont percolé au plus profond de nos sens. L’herbe qui tapisse le fond de ces petites vallées irriguées, là où l’eau des glaciers amènent la vie, voisinerait presque immédiatement les glaciers s’il n’y avait les moraines pour les séparer, ces murailles de pierres charriées par les glaciers sur leurs côtés. Elles constituent le dernier mur à franchir , après quoi, nous entamons une longue marche sur les glaciers, et nous sentirons plus petits que jamais.