Travailler la terre : les jardins ouvriers

Les jardins ouvriers, petits potagers urbains, créés au cours du dix neuvième siècle pour apporter aux ouvriers de meilleures conditions de vie en leur procurant un équilibre social et une autosubsistance alimentaire sont courant dans le nord de la France, où l’on y pratique le maraîchage, principalement. Au cœur d’une région connue pour ses plateaux de grandes cultures où pousse du blé, des betteraves, pois, et pommes de terre sur des dimensions inégalées dans l’histoire, des dimensions mécaniques, il subsiste une mosaïque de petits jardins irréguliers de quelques dizaines de mètres carrés chacun, au bord d’un étang animé par la faune et doté d’une flore remarquable. On y trouve bien évidement des jardiniers à l’œuvre, dont certains on plus de 70 ou 80 ans.

Pascal, travaillant ses deux parcelles depuis 4 ans passe le motoculteur avant de semer.

Pascal est un des locataires des parcelles du jardin ouvrier de Péronne. Chacun y gère un petit lopin de terre, moyennant un paiement à l’année. Les jardiniers qui y font du maraîchage principalement, s’exposent d’un côté à une rue fréquentée par les promeneurs, souvent curieux de voir ces drôles de jardins, et de l’autre côté à un étang paisible , verdoyant, où les îlots boisés forment un paysage des plus pictural. L’étang s’invite au coeur du potager où les jardiniers viennent y remplir leurs arrosoirs, avec les canards et les amphibiens voisinant les poireaux et la menthe poivrée.

“C’est en forgeant que l’on devient forgeron” me dit Pascal quand je lui demande s’il connaissait le jardinage avant de se lancer sur cette parcelle, il y a 4 ans. Il m’explique qu’avec tous les gens présents dans les jardins, dont beaucoup d’anciens, la transmission des savoirs botaniques et de la connaissance du jardinage est omniprésente, l’aspect collectif et social est au cœur du jardin ouvrier. Autre vertu évidente selon lui : le travail physique qu’il oppose à la sédentarité dont les dommages sont répandus aujourd’hui. La cohabitation implique aussi des compromis : pas de pompes mécanique ou thermique pompant l’eau de l’étang pour une équitable répartition des ressources en eau entre tout le monde.

Lui et les autres travaillent le sol sur des parcelles de quelques dizaines de mètre carrés, assez pour avoir des légumes une bonne partie de l’année, et même assez pour en revendre ou en donner lors des très bonnes années.

 
 

Chacun dispose d’un cabanon pour ranger ses outils.

 

Je rencontre ensuite Alain, un des membre de l’association qui gère les jardins, et son ami Danny, venu lui prêter main forte. Ils ont toute une parcelle en friche à travailler pour pouvoir y semer des graines que Danny me montre avec enthousiasme, épinard, carotte, courge... Et qui ne serait pas enthousiasmé par la simple idée qu’à partir de petites billes sèches et en apparence stérile, des légumes juteux, croquants, savoureux puisse naître ? Ces graines, fruits de vies passées, celle de la plante desquelles elles ont été extraites, mais aussi celle des innombrables générations d’humains du passé, qui nous ont transmis sur des millénaires des espèces de plantes viables et nourrissantes, en sélectionnant habilement, patiemment les meilleures variétés, pour que nous aujourd’hui, les mettions en terre, pour refaire la même chose, année après années.

C’est une agriculture d’antan où l’on mange ce que l’on fait pousser, où les calories gagnées en croquant dans un légume viennent remplacer avec une plus-value celles dépensées en retournant péniblement la terre. Aucun pesticide ici, l’échelle des parcelle fait du désherbage manuel un choix évident.

Les deux amis, intarissables d’anecdotes sur le lieu, me guident dans une allée étroite menant vers d’autres parcelles

 

Se promener dans ces jardins déserts procure en sentiment étrange. Les personnes qui ont pris soin de cet endroit, en façonnant avec beaucoup d’attention l’espace, y ayant travaillé le sol, taillé les arbres et semé des plantes, sont parties ailleurs et reviendront plus tard, laissant cet endroit légèrement onirique, avec le son des oiseaux, des batraciens, les outils abandonnés, brouettes renversées et bancs vides tout à moi. Je m’y promène dans une quiétude confortable en imaginant le visage de chaque personne derrière telle ou telle parcelle.

Danny me montre des radis sur une des rares parcelles qui n’est pas entièrement nue

 
 
 

Danny au travail, dans cette parcelle en friche où je les ai rencontrés, lui et son ami

Pascal, examinant sa première recolte